Comment digitaliser sans exclure ? Vers une transformation numérique responsable

by | 9 Sep 2025 | Équitable, Social, Technologie | 0 comments

La digitalisation s’est imposée dans presque tous les aspects de notre quotidien. À Bruxelles comme ailleurs, il est aujourd’hui difficile d’accéder à un service public, de postuler à un emploi ou de suivre une formation sans passer par une interface numérique. Mais cette évolution, si elle facilite la vie de certains, la complique pour d’autres.

Car tout le monde n’a pas les mêmes outils, les mêmes compétences ou les mêmes repères pour évoluer dans cet environnement digitalisé. Et c’est là que la fracture se creuse. Pour être bénéfique à l’ensemble de la population, la transformation numérique doit être inclusive, éthique, locale et accompagnée.

À Bruxelles, des acteurs publics, associatifs et citoyens s’organisent pour garantir que cette transition ne laisse personne de côté. Cet article met en lumière les initiatives concrètes, les bonnes pratiques et les perspectives d’une digitalisation responsable, pensée à hauteur d’humain.

Bruxelles face à la fracture numérique

Derrière l’image d’une capitale européenne connectée, Bruxelles révèle une réalité plus contrastée. De nombreux habitants restent à l’écart des outils numériques ou les utilisent avec difficulté. Cette fracture numérique est sociale, générationnelle et territoriale.

Certaines zones de la Région, comme Anderlecht, Schaerbeek ou Saint-Josse, affichent des taux d’équipement et de connexion plus faibles. Les publics les plus touchés ? Les seniors, les personnes en situation de précarité, les jeunes peu qualifiés, les primo-arrivants. Le résultat est concret : démarches administratives non effectuées, offres d’emploi inaccessibles, isolement croissant.

Les inégalités ne portent pas seulement sur l’accès à un appareil ou une connexion. Elles touchent aussi les compétences de base : savoir utiliser une messagerie, se connecter à une plateforme, naviguer en sécurité, repérer une arnaque. Autant de gestes simples pour certains, mais encore inaccessibles pour beaucoup.

Si rien n’est fait, cette fracture pourrait s’aggraver à mesure que les services se digitalisent. Mais à Bruxelles, des solutions existent. Encore faut-il les renforcer, les coordonner, et surtout les rendre visibles.

📊 Chiffres clés – La fracture numérique à Bruxelles

  • 1 adulte sur 4 à Bruxelles a des compétences numériques faibles ou très faibles (source : Statbel, 2023)

  • Environ 13 % des ménages n’ont pas d’accès Internet à domicile dans les quartiers les plus précarisés

  • 41 % des Bruxellois peu diplômés déclarent rencontrer des difficultés pour accomplir des démarches en ligne

  • Seuls 32 % des usagers précaires utilisent les services publics digitaux sans accompagnement (source : CBCS)

Agir localement pour une inclusion numérique réelle

Face à la fracture numérique, l’action locale joue un rôle essentiel. À Bruxelles, de nombreux acteurs œuvrent chaque jour pour rendre le numérique plus accessible à ceux qui en sont éloignés. Leurs approches sont multiples : accompagnement individuel, ateliers collectifs, accès libre aux équipements, formation de base… toujours dans un esprit de proximité.

Le réseau CABAN (Collectif des Acteurs Bruxellois de l’Accessibilité Numérique), par exemple, regroupe des associations, CPAS, bibliothèques, centres culturels et espaces publics numériques. Ensemble, ils coordonnent des actions de terrain pour réduire les inégalités d’accès et renforcer l’autonomie numérique des publics fragilisés.

Dans certaines communes, des médiateurs numériques sont désormais présents dans les maisons de quartier, les antennes CPAS ou les bibliothèques. Ils proposent un accompagnement individualisé pour aider à créer une adresse e-mail, remplir un formulaire, naviguer sur IRISbox ou consulter son dossier médical en ligne.

Des projets portés par WeTechCare, Lire et Écrire ou encore des FABlabs sociaux permettent à des jeunes en décrochage, des personnes âgées ou des migrants de se former gratuitement, à leur rythme, dans un environnement bienveillant.

Ces initiatives ne se limitent pas à transmettre des compétences techniques. Elles visent à redonner confiance, à lutter contre l’isolement, et à favoriser l’inclusion sociale par le numérique. Et surtout, elles reposent sur un principe fondamental : le numérique ne peut être un outil d’exclusion.

Une digitalisation éthique et responsable est possible

L’inclusion n’est qu’un des piliers d’une transformation numérique réussie. À Bruxelles, d’autres pratiques émergent pour rendre le numérique plus éthique, plus respectueux des usagers et de l’environnement.

Certaines administrations locales intègrent désormais des critères d’accessibilité dès la conception de leurs plateformes. Cela signifie : une interface lisible, adaptée aux personnes âgées ou malvoyantes, traduite ou simplifiée pour un large public. L’objectif est clair : rendre les services publics digitaux réellement utilisables par tous.

La sobriété numérique devient aussi un enjeu central. Cela passe par une meilleure gestion des équipements, l’allongement de la durée de vie des appareils, ou le choix de solutions moins gourmandes en énergie. Des organisations comme Reset Belgium militent pour une approche low-tech et responsable du digital à Bruxelles.

Enfin, des acteurs publics et associatifs se tournent vers des solutions libres, ouvertes, collaboratives : logiciels open source, données ouvertes, outils transparents. Ce choix garantit non seulement une plus grande sécurité, mais aussi une meilleure maîtrise des outils par les citoyens eux-mêmes.

Ces approches montrent qu’une digitalisation respectueuse des droits, de l’environnement et des réalités sociales est non seulement souhaitable, mais déjà en marche. Il reste à la généraliser, à la soutenir, et à en faire une norme plutôt qu’une exception.

La sécurité des données fait également partie intégrante d’une digitalisation responsable. En effet, sans une protection adaptée contre les menaces numériques et les risques informatiques, l’inclusion et la confiance ne peuvent être garanties. C’est pourquoi des prestataires locaux comme HelpIT.be accompagnent les entreprises bruxelloises dans la mise en place de solutions informatiques fiables et adaptées, afin de renforcer leur posture de sécurité tout en soutenant leur transformation digitale.

📊 Chiffres clés – Un numérique responsable à Bruxelles

  • Moins de 20 % des services publics bruxellois sont actuellement accessibles à 100 % pour les personnes malvoyantes (source : EasyToRead, 2023)

  • Environ 12 % des administrations locales utilisent aujourd’hui des logiciels libres pour leurs démarches (vs 30 % à Barcelone)

  • Le secteur numérique représente 3 à 4 % des émissions locales de CO₂, en croissance constante (Bruxelles Environnement, 2022)

  • Des plateformes comme IRISbox enregistrent plus de 1 million de connexions par an, mais avec un taux élevé d’abandon chez les publics fragiles

Témoignages : « Le numérique, ça ne devrait pas faire peur »

« J’avais peur de tout ce qui est en ligne. Pour les démarches, je devais toujours demander de l’aide. Puis j’ai suivi un atelier dans ma bibliothèque. On m’a expliqué doucement, sans juger. Maintenant je fais mes papiers toute seule. Ça change tout. »
Djamila, habitante de Saint-Gilles

« On pense souvent qu’innover, c’est faire du high-tech. Mais la vraie innovation, pour moi, c’est quand une plateforme est simple, accessible, et qu’elle respecte la vie privée. On n’a pas besoin d’aller vite, on a besoin d’aller juste. »
Luca, développeur engagé dans un projet open source à Bruxelles

Bruxelles dans le paysage européen du numérique responsable

La transformation numérique est en cours dans toutes les grandes villes européennes, mais certaines capitales ont pris une longueur d’avance en matière d’éthique, de transparence et d’inclusion. Ces exemples offrent à Bruxelles des pistes d’inspiration concrètes.

À Barcelone, la ville a adopté une charte numérique fondée sur le respect des données personnelles, le recours systématique aux logiciels libres et la participation citoyenne dans le développement des outils numériques publics. Elle a même nommé un commissaire au numérique éthique.

À Helsinki, la transparence algorithmique est une priorité : les habitants peuvent consulter quels algorithmes sont utilisés par l’administration, pourquoi, et dans quel cadre. C’est une manière de renforcer la confiance dans les outils digitaux publics.

En France, Nantes a mis en place un programme de sobriété numérique dans les services municipaux, incluant la formation des agents, le recyclage du matériel informatique et la réduction des usages énergivores.

À Bruxelles, des chantiers similaires se dessinent. La Région soutient de plus en plus des projets open source, des plateformes collaboratives, des actions de sensibilisation. Le réseau CABAN, les coalitions citoyennes, les innovations locales montrent qu’une gouvernance numérique plus juste est possible.

Mais pour franchir un cap, il faudra aller plus loin : coordonner les actions, simplifier les outils, créer des espaces de concertation numérique, et surtout, donner une voix aux usagers dans la définition des priorités technologiques. C’est en agissant collectivement que Bruxelles pourra affirmer son modèle propre de digitalisation responsable.

Un numérique qui relie, pas qui exclut

La transition numérique ne se limite pas à déployer des technologies. Elle pose une question fondamentale : dans quelle société voulons-nous vivre ? Une société où les outils digitaux simplifient la vie de tous, ou bien une société où une partie des citoyens reste sur le bord du chemin ?

À Bruxelles, des solutions existent. Des associations, des services publics, des citoyens engagés construisent chaque jour un numérique plus humain, plus juste, plus durable. Mais pour que cette dynamique s’amplifie, il faut en parler, la renforcer, y participer.

Chacun peut contribuer : en accompagnant un proche dans ses démarches en ligne, en rejoignant un atelier numérique de quartier, en questionnant les outils qu’il utilise au quotidien. Le numérique ne doit pas être une barrière, mais un lien. Et ce lien, c’est à nous de le tisser.

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