Économie circulaire à Bruxelles : repenser nos modes de production et de consommation

by | 1 Sep 2025 | Économie, Environnement, Politique et société, Social, Transition | 0 comments

Face à l’épuisement des ressources et à l’urgence climatique, Bruxelles s’engage résolument dans l’économie circulaire, un modèle où les déchets deviennent des ressources et où chaque acteur – entreprises, pouvoirs publics, citoyens – joue un rôle pour boucler les cycles. De la collecte séparée des déchets à la revalorisation des matières, en passant par les initiatives de réemploi et les plateformes de partage, la Région se mobilise pour transformer ses filières industrielles et urbaines. Cet article exhaustif explore les politiques publiques, les dispositifs de soutien, les bonnes pratiques, les freins et les perspectives pour faire de Bruxelles un territoire où croissance rime avec durabilité.

📊 Chiffres clés

  • 82 entreprises actives dans l’économie circulaire à Bruxelles en 2024, générant 1 200 emplois directs (Hub.Brussels)

  • Réduction de 23% de la production de déchets ménagers par habitant entre 2010 et 2023 (Bruxelles Environnement)

  • Taux de collecte séparée des PMC (plastique–métal–carton) : 61% en 2024, contre 42% en 2015 (Bruxelles Propreté)

  • 12 500 tonnes de textile réemployées chaque année via les friperies et ressourceries (Terre & Les Petits Riens)

  • 45 plateformes de partage et de réemploi (outils, matériel, mobilier), dont 10 ressourceries labellisées (Be Circular)

Les fondements de la stratégie circulaire bruxelloise

Le Plan Good Food (2016) et la Stratégie Circul’R (2021) définissent les grandes orientations : réduction à la source, allongement de la durée de vie des produits, développement de boucles locales et construction d’une économie de fonctionnalité. Bruxelles Environnement, en coordination avec Hub.Brussels et Bruxelles Propreté, pilote les actions, en s’appuyant sur cinq axes clés :

  • Maîtrise des flux de déchets et amélioration de la collecte séparée

  • Soutien aux entreprises pour l’écoconception et la symbiose industrielle

  • Promotion du réemploi, de la réparation et du partage

  • Sensibilisation des citoyen·ne·s et renforcement des compétences

  • Innovation financière et partenariats public-privé

« La vision circulaire ne se limite pas à recycler : il s’agit de repenser l’ensemble de la chaîne de valeur pour éviter de créer des déchets »
– Anne-Sophie Schreck, responsable économie circulaire, Bruxelles Environnement

Collecte et valorisation des déchets

Bruxelles a amélioré ses taux de collecte sélective grâce à l’extension des conteneurs « PMC » et « emballages papier » dans tout l’espace public, ainsi qu’à l’introduction d’un tri à la source pour les bio-déchets dans certaines communes pilotes. Depuis 2015, la collecte des bio-déchets a progressé de 150%, permettant la production de compost de qualité certifiée et réduisant la mise en centre d’enfouissement de moisissures organiques. Parallèlement, le déchet plastique est transformé en granulats pour matériaux de construction, et le verre et le métal sont réintroduits dans les filières industrielles belges.

Écoconception et symbiose industrielle

Pour casser le modèle « extraire-fabriquer-jeter », la Région encourage l’écoconception par des aides « Circul’R » : subventions de 30% pour l’intégration de matériaux recyclés dans les produits finis et accompagnement technique gratuit. En outre, les clusters de symbiose industrielle facilitent la mise en relation de PME et grands groupes afin de valoriser les coproduits (chutes de matières, eaux usées, chaleur résiduelle). Exemple : le partenariat entre une briqueterie de Laeken et une imprimerie de Schaerbeek permet d’incorporer 20% de déchets de papier dans la fabrication de briques isolantes.

Réemploi, réparation et plateformes de partage

L’économie circulaire, c’est aussi faire durer les objets : Bruxelles compte aujourd’hui une cinquantaine de ressourceries, ateliers de réparation et fab labs. Des initiatives comme Repair Together, co-organisée par Pro Velo et Electrabel, forment 1 500 citoyen·ne·s chaque année à la remise en état de vélos, électroménager et mobilier. Les plateformes de partage, telles que Peerby pour le prêt d’outils, et les coopératives d’utilisateurs de matériel événementiel (sono, chapiteaux) permettent de mutualiser l’usage plutôt que de multiplier la propriété.

« Avant, je jetais le grille-pain dès qu’il tombait en panne. Aujourd’hui, je l’apporte à Repair Together : pour 5 €, j’économise un achat neuf et j’apprends à le réparer »
– Khaled, participant aux ateliers

Textiles et économie solidaire

Le secteur du textile circulaire a explosé à Bruxelles : dix friperies d’insertion (Les Petits Riens, Terre, La Friperie et autres) collectent annuellement 3 000 tonnes de vêtements usagés et en réemployent 60%. Les invendus sont broyés pour produire de l’isolation textile ou transformés en chiffons pour l’industrie. Le guide S’habiller durable (Be Circular) référence plus de 25 adresses de boutiques solidaires et encourage la création de vestiaires collectifs dans les écoles et entreprises.

Sensibilisation, éducation et formation

Bruxelles mise sur la culture circulaire en intégrant ces enjeux dans les programmes scolaires, via les éco-défis et éco-navettes scolaires. Les mooc en ligne, développés par Bruxelles Environnement, totalisent 10 000 inscriptions depuis 2020, couvrant tri, compostage, éco-conception et business models circulaires. Par ailleurs, les formations professionnelles pour les artisans – couvreurs, menuisiers, métalliers – incluent désormais des modules de réemploi de matériaux, finançables via le Fonds social européen.

Innovation financière et nouveaux partenariats

Pour lever les barrières économiques, la Région expérimente des obligations circulaires : titres financiers investis par des citoyens et des institutions, visant à financer des projets de recyclage ou de réemploi. Le fonds d’amorçage Circul’R (10 M€) soutient les start-ups circulaires et les coopératives, en capital-risque ou prêt à taux zéro. Les partenariats avec des filiales de grandes entreprises – Engie, BNP Paribas Fortis – contribuent à l’émergence de projets pilotes, tels que l’installation de bornes de recharge mutualisées à partir de déchets plastiques reconvertis en résine isolante.

Obstacles et défis à relever

Malgré ces avancées, plusieurs freins subsistent : la rareté du foncier urbain limite l’implantation de plateformes logistiques pour la collecte et le tri ; la dispersion des responsabilités entre 19 communes complique la cohérence des politiques ; enfin, le manque de débouchés industriels pour certains matériaux recyclés freine l’économie de boucle fermée. L’optimisation des organismes intercommunaux (Brulocalis, Bruxelles Environnement) et la création d’un guichet unique circulaire sont à l’étude pour simplifier les démarches des entreprises et des citoyen·ne·s.

Regard international : inspiration et collaborations

Aux Pays-Bas, la ville de Rotterdam encourage le zéro déchet par des partenariats public-privé pour valoriser la moquette usagée en revêtements de sol. À Copenhague, la Maison de la Réparation réunit 17 ateliers de remise à neuf dans un même bâtiment, réduisant les coûts et favorisant les synergies. Bruxelles participe à ces réseaux, notamment via l’EuroCities Circular Economy Forum, pour partager retours d’expérience et co-financer des projets de démonstration.

Témoignages de terrain

│« Grâce à la ressourcerie de Schaerbeek, j’ai trouvé une machine à coudre d’occasion pour 20 €. J’ai pu lancer mon atelier de couture circulaire et créer des pièces uniques » – Nadia, entrepreneure sociale
│« Mon restaurant adopte le vrac et la consigne depuis 2022. Nous avons réduit nos emballages de 70% et fidélisé une clientèle sensible à l’écologie » – Karim, restaurateur à Ixelles

Perspectives et ambitions à horizon 2030

La Région vise à passer de 23% à 50% de déchets recyclés ou réemployés d’ici 2030, tout en créant 5 000 emplois supplémentaires dans la filière circulaire. Les priorités seront : déployer des clusters logistiques circulaires, renforcer l’écoconception dans la commande publique, généraliser l’éco-taxe incitative et intégrer une charte circulaire dans tous les projets urbains (bâtiment, événementiel, textile, agro-alimentaire).

Bruxelles, en alliant innovation, solidarité et coopération européenne, peut devenir un territoire de référence pour l’économie circulaire en milieu urbain, démontrant que durabilité et vitalité économique peuvent être des leviers complémentaires pour l’avenir de la capitale.

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