À Bruxelles, un réseau discret mais vital tisse des liens entre les parcs, les cours d’eau, les forêts et les friches. Ce “maillage vert et bleu” vise à protéger la biodiversité tout en limitant les inondations. Encore peu connu du grand public, il joue pourtant un rôle essentiel dans l’aménagement de notre ville face aux défis climatiques.
Un concept naturel au cœur de la ville
Le maillage vert et bleu, aussi appelé “trame verte et bleue”, désigne l’ensemble des espaces naturels ou semi-naturels interconnectés en ville : parcs, forêts, rivières, bassins d’orage, toitures végétalisées ou même jardins privés. L’objectif ? Assurer une continuité écologique pour permettre à la faune et à la flore de se déplacer, se développer et s’adapter, tout en offrant aux habitants des zones de fraîcheur et de respiration.
À Bruxelles, ce maillage prend une importance croissante dans les plans d’aménagement du territoire. Il permet non seulement de préserver la biodiversité urbaine, mais aussi de lutter contre les inondations en absorbant naturellement les eaux de pluie et en réduisant la pression sur les égouts lors d’épisodes climatiques extrêmes.
📊 Statistiques clés :
- 40 % du territoire bruxellois est constitué d’espaces verts ou bleus (Bruxelles Environnement, 2023)
- Le Plan Nature vise une augmentation de 10 % des surfaces perméables d’ici 2030 (PRDD, 2022)
- 3 épisodes majeurs d’inondations ont touché Bruxelles entre 2021 et 2023 (IRM, 2023)
Comment fonctionne le maillage vert et bleu ?
Une continuité écologique en ville
Le principe du maillage vert et bleu repose sur la connexion entre les milieux naturels, même au cœur d’un espace urbain dense. L’idée est simple : relier les zones de nature pour former un réseau continu, qui permet aux espèces animales et végétales de circuler, se reproduire et se nourrir.
À Bruxelles, cela passe par des corridors écologiques comme les vallées, les haies, les friches urbaines ou les bandes végétalisées le long des voiries. Ces passages sont essentiels pour éviter que les espaces verts ne deviennent des “îlots isolés” où la biodiversité décline faute de renouvellement naturel.
Un levier contre les inondations et les îlots de chaleur
Outre son rôle écologique, le maillage vert et bleu est un véritable outil d’adaptation au changement climatique. En absorbant les eaux de pluie, les sols perméables et végétalisés évitent la saturation des réseaux d’égout et limitent les inondations urbaines. Un sol vivant peut infiltrer jusqu’à 80 % de l’eau tombée lors d’un orage.
Ces espaces permettent aussi de rafraîchir la ville en période de canicule. En réduisant les îlots de chaleur, ils améliorent la qualité de vie dans les quartiers denses. Ce sont des zones de repos pour la nature… et pour les habitants.
Où le trouve-t-on à Bruxelles ?
Des exemples concrets : parcs, vallées, friches naturelles
Le maillage vert et bleu est déjà bien présent dans plusieurs parties de la capitale, même si son fonctionnement reste souvent invisible. La vallée de la Woluwe, le marais de Jette, le parc du Scheutbos ou encore les abords de la forêt de Soignes sont autant d’exemples où nature et eau coexistent de manière harmonieuse.
Ces espaces forment des réservoirs de biodiversité et servent de points d’ancrage pour les corridors écologiques. Même des zones plus modestes comme les talus de chemin de fer, les fossés végétalisés ou certaines friches urbaines contribuent à cette continuité verte et bleue lorsqu’ils sont laissés en l’état ou aménagés intelligemment.
Des projets en cours de renaturation
Plusieurs chantiers visent aujourd’hui à restaurer ou reconnecter ces espaces. À Neerpede, un projet de renaturation de zones humides permet de rétablir le cycle naturel de l’eau et de favoriser le retour de certaines espèces locales. Dans d’autres quartiers, des toitures végétalisées ou des cours d’école perméables sont intégrées dans des démarches de “ville éponge”.
Ces projets s’inscrivent dans la volonté régionale d’adapter l’urbanisme au vivant, en tenant compte des dynamiques naturelles. Ils montrent que même dans une ville dense comme Bruxelles, il est possible de faire place à la nature — pour la préserver, mais aussi pour mieux vivre ensemble.
Un impact concret sur la vie des Bruxellois
Le maillage vert et bleu n’est pas qu’une affaire de biodiversité ou d’experts en urbanisme. Il transforme aussi la vie quotidienne dans les quartiers. Un espace auparavant bétonné devient un lieu de promenade, un ancien talus revégétalisé apporte de la fraîcheur en été, un bassin de rétention évite les caves inondées après un orage.
Ces aménagements ont un effet direct sur le bien-être des habitants, tout en recréant du lien entre les personnes et leur environnement. Les enfants y découvrent des insectes, les seniors y trouvent de l’ombre, et tout le quartier bénéficie d’un espace vivant, utile et accessible.
“Avant, c’était juste un terrain vague. Maintenant, il y a des plantes, des papillons, et ça absorbe mieux l’eau quand il pleut fort. On voit vraiment la différence dans le quartier.”
— Samira, 52 ans, habitante de Jette
Un plan encore méconnu
Un manque de visibilité malgré les efforts
Bien que présent dans les plans d’aménagement de la Région, le maillage vert et bleu reste peu connu du grand public. Peu de Bruxellois savent qu’une friche de leur quartier fait partie d’un corridor écologique, ou qu’un parc joue un rôle dans la régulation des eaux de pluie. Le vocabulaire technique utilisé dans les documents officiels n’aide pas à rendre ce concept accessible.
Pourtant, plusieurs acteurs institutionnels et associatifs mènent des actions de sensibilisation. Des panneaux pédagogiques, balades naturalistes et cartes interactives commencent à émerger, mais l’enjeu reste de traduire ce plan en expériences concrètes pour les habitants.
Comment les citoyens peuvent s’impliquer
Il n’est pas nécessaire d’être urbaniste ou écologue pour renforcer le maillage vert et bleu. Chacun peut agir à son échelle : végétaliser une cour, planter une haie indigène, préserver une zone en friche, désimperméabiliser une terrasse. Ces gestes participent à la continuité écologique, surtout s’ils s’inscrivent dans une logique collective.
De nombreuses initiatives citoyennes et communales proposent des ateliers de plantation, des budgets participatifs verts ou des projets de ruelles végétalisées. En rejoignant ou lançant un projet local, chaque habitant peut contribuer à tisser ce réseau vivant qui rend Bruxelles plus résiliente et plus agréable à vivre.
Et dans d’autres villes ?
Liège, Paris, Berlin : des approches similaires
Bruxelles n’est pas la seule ville à miser sur la nature pour répondre aux enjeux climatiques. À Liège, le programme “Nature en ville” développe une trame verte en lien avec les berges de la Meuse et les anciens sites industriels reconvertis en espaces naturels. La ville a aussi désimperméabilisé plusieurs cours d’école.
À Paris, la trame verte et bleue est intégrée au Plan Climat et soutenue par des dispositifs concrets comme la végétalisation des toits, les “rues végétales” et la restauration des berges de la Seine. Des actions participatives, comme les permis de végétaliser, impliquent directement les habitants dans cette dynamique.
À Berlin, le “Biotope Area Factor” impose depuis les années 1990 une proportion minimale d’espaces verts dans chaque projet de construction. La ville est considérée comme un modèle d’urbanisme écologique, avec un réseau dense de parcs interconnectés, de rivières urbaines et de zones humides intégrées.
Ces exemples montrent qu’une planification verte ambitieuse et partagée peut transformer les villes en écosystèmes vivants et résilients. Bruxelles a posé les bases, mais peut aller plus loin si elle mobilise tous les acteurs autour de cette vision commune.
Conclusion : une ville plus vivante, plus perméable
Le maillage vert et bleu n’est pas un luxe écologique. C’est une infrastructure aussi essentielle que les routes ou les égouts, qui rend la ville plus respirable, résiliente et accueillante, pour les humains comme pour les autres espèces. Il façonne un urbanisme du vivant, où chaque parc, chaque ruelle végétalisée ou chaque bassin d’orage a un rôle à jouer.
Si ce plan reste encore méconnu, il est pourtant à la portée de tous. Chacun peut y contribuer, par des petits gestes ou en rejoignant un projet local. Planter, préserver, connecter : voilà les trois mots-clés d’une ville qui prend soin de son sol, de son eau et de ses habitants.
Envie de passer à l’action ? Informez-vous auprès de votre commune, participez à une balade nature, ou proposez une idée de végétalisation dans votre quartier. Car c’est en tissant ces liens, un à un, que se construit le maillage… et le futur de Bruxelles.

0 Comments